Ascenseurs valléens :
voix de la raison, voies de garage, ou voix impénétrables ?
Le développement durable est devenu un enjeu; enjeu pour la planète mais aussi parfois enjeu de communication.
Si les projets d’ascenseurs valléens s’inscrivent dans un vaste élan de réflexion[i] sur la gestion des mobilités en zone de montagnes, force est de constater que l’on ne comprend pas forcement cette engouement soudain pour des remontées mécaniques devenues « ascenseurs valléens ».
Certains feignent d’oublier qu’une grande partie des stations issues du Plan Neige ont été implantées en altitude pour être « ski aux pieds ». De fait, là où nos voisins suisses, autrichiens ou italiens ont surtout basé leurs développements sur des villages de fonds de vallées et créé des « ascenseurs » pour accéder aux pistes de ski, les français ont privilégié les constructions en altitude.
Aujourd’hui, alors que les questions d’environnement deviennent plus prégnantes y compris pour une partie des clientèles ciblées des loisirs d’hiver (G2A https://www.g2a-consulting.com/nos-etudes/enquete-environnement/), et que les possibilités d’aménagement se réduisent dans un marché mature, il faut trouver, à la fois des axes de communication, tout en montrant l’excellence des entreprises du secteur… et accessoirement rendre service aux habitants des territoires et pourquoi pas aux touristes. Le tout au prétexte de lutter contre la pollution en altitude favorisée par la circulation automobile des visiteurs que l’on cherche à faire venir à grands frais de plans de communication.
Comment imaginer que l’on puisse, sans politique forte d’un développement de l’accès aux vallées par le train, limiter l’accès par la route pour une majorité de visiteurs habitués ou non, propriétaires ou clients ?
Depuis 50 ans, que les aménagements routiers ont été réalisés pour faciliter l’accès jusqu’au dernier kilomètre, on annonce désormais que les « ascenseurs valléens » vont permettre de faire diminuer les flux de véhicules particuliers … mais à partir d’où ? Paris, Lyon, Annecy, Toulouse, Chambéry, Gap, Nice, La Souterraine … ?
Les bouchons parfois épiques de ces 40 dernières années sont-ils devenus si insupportables pour les clients ou ne sont-ils qu’arguments fallacieux pour justifier de nouveaux programmes de constructions d’appareils reliant les vallées aux stations ?
Va-t-on envisager de reconstruire les lignes ferroviaires jusque dans les vallées isolées, développer le trafic des trains ou allons-nous penser que les autocars à l’hydrogène vont fonctionner comme des navettes à partir des lieux d’arrivées et de parking des visiteurs ?
Pour ceux qui arriveront en voitures, où seront les parkings géants permettant d’organiser «l’intermodalité » ; aux sorties d’autoroutes, à proximité des gares de départ des ascenseurs ou en amont vers les grands centres urbains ?
Pour des stations proposant entre 67 000 lits touristiques (La Plagne, 4 communes, 10 sites) et 15782 000 lits ( Isola 2000) comment envisager que l’accès puisse se faire majoritairement par ces ascenseurs miracles ?
Dans « Les ascenseurs valléens révolutionneront-ils (vraiment) la mobilité en montagne ? » (https://region-aura.latribune.fr/territoire/infrastructure/2021-06-18/les-ascenseurs-valleens-revolutionneront-ils-vraiment-la-mobilite-en-montagne-886991.html) ces appareils sont présentés comme la solution du futur.
Bel article, publié le jour où « « Le plus abouti dans cet ordre d'idées est le funiculaire entre la gare de Bourg-Saint-Maurice et la station des Arcs 1600, qui permet un vrai délestage d'une route difficile, surtout avec l'enneigement et les chassés croisés le weekend » annonce sa fermeture pour travaux au début de la saison estivale 2021[ii].
Le délestage évoqué dans cet article n’a pas été observé depuis 1989, date de mise en fonction du funiculaire, car les séjournants sur les 4 sites d’altitudes y accèdent principalement en voitures, que le parking de Bourg St Maurice reste à ciel ouvert, de taille modeste (620 places), et à 200m de la gare par une passerelle peu pratique… mais également parce que le funiculaire ne dessert directement qu’Arc 1600 qui ne dispose que de 6000 lits (dont 1000 au Club Med) sur 46 047 lits pour 5 sites. L’accès aux autres niveaux (1800, 1950 et 2000) s’effectuant en navettes. La majeure partie des visiteurs privilégiant de fait, l’automobile pour accéder au plus près et faciliter l’arrivée et le départ.
Ajoutons que les horaires du « funiculaire le plus abouti » ne permettent pas le samedi en saison hivernale d’arriver au-delà de 21h (deux TGV en provenance de Paris après 21h… mais tous les clients ne vont pas aux Arcs), et cela depuis des années.
Il est rare de trouver dans les articles traitant des ascenseurs valléens depuis quelques mois, les questions relatives à la taille des parkings nécessaires à l’absorption des flux censés être supprimés.
Les Arcs 46 047 lits touristiques : places de parkings 620 en surface…
Projet ascenseurs de La Plagne 67 000 lits touristiques 11 sites (https://www.la-plagne.com) : places de parkings envisagées 5000, 7000, 10000 ? Non 400 …
C’est peu, pour la plus grande station du monde.
Et comment seront acheminés les visiteurs sur chaque destination finale, par navettes comme aux Arcs, avec quels services 24/24 ?
Même avec une fréquentation prenant en compte les 50% de lits froids, pour 30000 lits, combien de places de parking seront nécessaires ? Dans les 100 millions d’euros annoncé dans le projet, combien seront destinés aux parkings seulement 4,5 millions ?
A Allemont, l’Eau d’Olle Express, permettant de relier Oz en Oisans, l’ascenseur dispose de 217 places de VL et de 17 places de bus (pour remplacer 7000 véhicules évoqués dans l’enquête publique ( page 18 https://www.allemond.fr/medias/images/info_pages/teleporteeaudolleexpress-rapportce-2-1050.pdf, https://www.isere.gouv.fr/content/download/42694/301250/file/TeleporteEaudOlleExpress_RapportCE.pdf) et 1000 véhicules /jour dans les outils de communication https://www.siepaveo.fr).
On trouve peu de choses crédibles sur la taille des parkings mais encore moins sur la politique ferroviaire d’accompagnement qui devrait permettre de favoriser la venue de plus de visiteurs par le train en stations ; en TGV, Eurostar ou trains de nuit. Même si ceux-ci semblent revenir à la mode après avoir été supprimés petit à petit (https://www.lepoint.fr/politique/comment-l-etat-a-ressuscite-le-train-de-nuit-apres-l-avoir-abandonne-20-05-2021-2427348_20.php)
Alors y aura-t-il bientôt une gare internationale à Magland ? Sûrement.
Le Funiflaine (https://www.funiflaine.fr) va « forcement » transformer les usages… ou pas si l’on se sert de l’expérience du « funiculaire le plus abouti » de Bourg St Maurice qui dispose historiquement d’une gare disposant de plus de 15 voies. Mais dont la part du trafic ferroviaire destinée à l’activité touristique reste assez faible comparée aux flux automobiles de la Haute-Tarentaise ( lits touristiques :Val d’Isère : 31 892 ; Tignes : 32 053 ; St Foy : 5 908 ; La Rosière : 11 315 ; Bourg St Maurice Les Arcs : 46 047)
Seuls les « mauvais coucheurs » y voient du négatif (https://www.lemessager.fr/25740/article/2021-05-25/ils-alertent-le-prefet-sur-la-catastrophe-ecologique-et-financiere-du-projet), cet ascenseur va participer au développement du 4 saisons (https://www.lesechos.fr/pme-regions/auvergne-rhone-alpes/le-funiflaine-sera-operationnel-en-decembre-2025-1324539) … si les acteurs de la station ouvrent à l’année.
Si un certain nombre d’acteurs font la promotion de ces ouvrages d'art sous couvert de principes « environnementaux » (https://www.lesechos.fr/pme-regions/auvergne-rhone-alpes/les-ascenseurs-valleens-en-vogue-pour-desservir-les-stations-de-ski-1316346) il n’en demeure pas moins que leurs arguments restes fragiles.
Au regard des clientèles actuelles et celles qui sont ciblées par la montée en gamme des programmes d’hébergement en cours de réalisation, il serait plus pertinent de mettre des bornes de recharges pour voitures électriques en stations. Ces véhicules devraient finir par avoir un certain succès auprès des clientèles qui fréquentent les stations et qui semblent sensibles aux aspirations environnementales (Etudes G2A).
Et cela simplifierait également le casse-tête des services 24/24 à mettre en oeuvre autour des ascenseurs valléens en saison dense pour assurer la qualité d'accueil en vallées et stations.
Nous n’évoquerons pas l’accès via le train pour accéder à Val Thorens via le 3 Vallées Express qui reste utilisé principalement par les skieurs excursionnistes des 3 vallées arrivant par la route.
Si la fréquentation des acteurs saisonniers des stations est vérifiable dans « le funiculaire le plus abouti », celle-ci n’est mesurable qu’en saison touristique. L’appareil de fonctionnant pas hors-saison puisque les sites d’altitudes sont pratiquement vides. Dès lors les arguments censés justifier la création de ces appareils principalement pour limiter la pollution par les touristes apparaissent un peu comme des leurres. Dans le cas de l’ascenseur de St Gervais, le maire est beaucoup plus clair (https://mairie.saintgervais.com/les-projets-dascenceur-de-saint-gervais-ont-conquis-la-region/) les lycéens sont privilégiés. On ne saurait imaginer que cet ascenseur soit au centre des discussions entre la commune et le Club Med, sachant que la qualité de service du Club minimise les ruptures de charges concernant les valises de ces membres. Imagine-t-on les GM descendre de l’autocar qui les a pris en charge à Genève ou Lyon, et reprendre leurs valises pour aller dans l’ascenseur, puis aller en navettes jusqu’au club ? Sauf si l’autocar continue sa route pour livrer les bagages pendant que les GM participent au pôt d’accueil après avoir voyagé en ascenseur.
Il apparait principalement que ces projets, surfant sur des questions environnementales majeures, semblent déconnectés des stratégies ferroviaires locales et nationales qui pourraient justifier de tels projets largement financés par la puissance publique. Ils ne relèvent que de logiques de développement locaux dans lesquelles la construction de nouveaux hébergements touristiques reste une course sans fin. Mais ne répondent pas aux questions relatives à la limitation d’accès en voitures en stations, ni pour les propriétaires, ni pour les visiteurs. Reste que la question du choix entre ascenseurs valléens ou stratégies d’implantation de bornes de recharges pour véhicules électriques pourrait être posée, au regard des particules émises par les véhicules des visiteurs en altitudes. On pourrait même imaginer des bornes généralisées en vallées avant d’accéder aux sites…
Si les ascenseurs sont des outils intéressants pour les saisonniers du tourisme, puisqu’ils n’ont pas toujours la possibilité de loger à proximité même de leurs lieux de travail. Et alors même que l’on évoque une organisation touristique sur l’ensemble de l’année pour sécuriser l’activité économique fragilisée par le réchauffement climatique. L’absence de réponse sur la gestion des flux automobiles, sur le soutien à l’implantation de résidents à l’année sur les territoires et sur les nécessaires transformations d’un business modèle du ski toujours prédominant[iii], mais condamné à se transformer[iv] fait peser sur les débats de la perplexité et des doutes sur la volonté d’aller réellement vers une transition environnementale et économique[v].
Les Etats généraux de la transition du tourisme en montagne[vi] esquisseront peut-être des pistes praticables et raisonnables. Mais il faudra alors dépasser les poncifs que l’on ressert régulièrement jusque dans le Plan Avenir Montagnes récemment présenté. Les approches du développement durable évoquent souvent la nécessité de recycler, ce n’est pas une raison pour refourguer des rustines obsolètes qui ont déjà montré leurs lacunes[vii].
"Bourg St Maurice et Brides Les Bains se sont développés grâce à leur remontée", (???)
"Cela a toujours paru intéressant, de relier les bourgs aux stations d'altitude, ici ou ailleurs. En Autriche, c'est un modèle ancré depuis des années", (???)
"Disposer d'une liaison avec Courchevel permet de développer l'attractivité touristique de Bozel et surtout l'amélioration de la qualité de vie pour tous ceux qui travaillent avec la station. Cela permet de pérenniser le socle économique de Bozel. C'est important pour tout le monde"
"d'ailleurs d'autres projets d'ascenseurs valléens analogues sont en cours à St Gervais et à Grenoble" (???) confondre ascenseur et téléporté urbain ou alors il est question des oeufs de La Bastille !!!
"il sera possible demain ou après demain de venir depuis Paris, Londres, Bruxelles en transports en commun et rejoindre Bozel ou Courchevel directement comme le font par exemple les clients des Arcs avec le funiculaire Bourg St Maurice/Arcs 1600 et ceux de Val Thorens avec Orelle."
Si quelqu'un a des nouvelles du trafic ferroviaire de la gare d'Orelle…
"Mais surtout, les coûts de construction étant déjà financés et largement subventionnés par les collectivités partenaires et les communes, il ne restera qu'un coût de fonctionnement marginal avec un amortissement quasi nul. Dans ces conditions nous souhaitons que l'exploitant retenu arrive très facilement à l'équilibre coûts/recettes. C'est comme si on vous donne une voiture neuve et qu'il ne vous reste que le coût de l'essence et de l'entretien, c'est quand même beaucoup plus économique à l'usage que si vous devez aussi rembourser l'achat de la voiture".
[i] - Hugues François, Emmanuelle Georges, Samuel Morin, (2019) Verra-t-on la fin du ski dès 2050 ? The Conversation publié le 27 mars 2019
- Pillot Julien, Apocalypse snow : quand l’économie française du ski file tout schuss vers l’abîme The Conversation publié le 6 mars 2020
[ii] https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/savoie-la-chaleur-dilate-les-rails-le-funiculaire-entre-bourg-saint-maurice-et-les-arcs-a-l-arret-tout-l-ete-2164405.html
[iii] TABLE RONDE « CONSOLIDER L’ACTIVITÉ NEIGE, NOTRE LOCOMOTIVE » Traces N°219 Mars 2021
[iv] Pour que le tourisme soit un projet pour tous les territoires, il va falloir booster la copie ! Publié le 4 août 2017 Blog Aménagement, Récréation, Sport & Tourisme
[v] Vlès Vincent, (2021) Anticiper le changement climatique dans les stations de ski pyrénéennes : la science, le déni, l’autorité, numéro spécial de Sud-Ouest Européen [Stev Hagimont, Vincent Vlès, Jean-Michel Minovez (dir), « Sports d’hiver, territorialité et environnement ».
Information sur les ascenseurs existants ou en projet.
Aime- La Plagne
https://www.ville-aime.fr/wp-content/uploads/2019/10/PV-CRCM-26-09-19.pdf
BSM/les Arcs
https://www.sags.fr/parking-bourg-saint-maurice/bourg-saint-maurice-funiculaire.html
OZ-Allemont
St- Gervais
https://mairie.saintgervais.com/les-projets-dascenceur-de-saint-gervais-ont-conquis-la-region/)
Zermatt
https://www.zermatt.ch/fr/durabilite/Elektros-Autofrei-Anreise/Zermatt-est-un-village-sans-voitures
Articles sur les ascenseurs
Haute-Savoie : la consultation publique sur le projet d'ascenseur valléen se termine à Saint-Gervais
Altitude News publié par Arnaud P. le 26 avril 2018
Autres articles sur le tourisme en territoires de montagnes
Tourisme de montagne, où en sommes nous ?
publié 28 Juin 2017 Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme