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mercredi 8 avril 2020

Le propriétaire en site touristique est-il un touriste comme les autres ?


Au 23 ème jour du temps du dedans, soit le 8 avril 2020. 12h40
Par Eric Adamkiewicz 


Au début du confinement le 18 mars 2020 suite à l’article : Coronavirus : tension sur Belle-Ile-en-Mer avec les résidents secondaires,[1] j’évoquais ce que nous indiquait de notre rapport au territoire cette période de pandémie…


Le "partage" de l'espace, n'est pas une évidence et la peur du "non local" demeure.


Publié sur linkelIn le 18 mars 2020 [2]

"Le parisien, lyonnais, nantais, rennais, havrais, lillois, … bref l'urbain qui peut s'éloigner d'une zone potentiellement contaminée peut-il être recueilli en zone non contaminée ? Cela est vrai pour tous les urbains et ceux qui vivent en zones urbaines denses. S'ils sont non contaminant où est le problème ? Donc en fait c'est juste un problème de partage de l'espace, de connaitre les personnes, de réagir collectivement… et d'avoir les moyens de dépister et de soigner. 

On veut bien accueillir Sylvie et Gérard mais pas les parisiens inconnus. Et s'il s'agissait de sauver des vies, qui refuserait d'accueillir des enfants (ou des vieux) non porteurs du virus ? La mise en quarantaine générale a comme objectif de limiter les transmissions et de déterminer les personnes contaminées. D'un seul coup, certains se souviennent qu'en zone rurale, il y a rien, donc moins de risques. Malheureusement c'est aussi là où les moyens collectifs ont été diminués... "



Puis avril est arrivé.
Et cette année les œufs, les fêtes et les vacances de Pâques ont un goût particulier après 3 semaines de confinement et d’informations anxiogènes.


Les vacances existent- elles en période de confinement ? 
Vous avez (encore au moins 3 semaines) pour rendre votre copie…



Mais alors que les motifs de déplacements sont règlementés, comment expliquer, justifier, accepter que certains changent de résidences ?

Plusieurs situations sont possibles :
-      - le touriste qui part en vacances, seul ou en famille, mais alors il a fallu qu’il y ait une location, donc un acte commercial, ou alors Airbnb a encore frappé…,


-            - le propriétaire et sa famille qui vont chez eux. 


Et là, se pose alors la question du statut de cet acteur incontournable de l’activité économique touristique française. 

Celui qui a payé une grande partie du développement des sites grâce à son investissent immobilier, qui paye ses impôts. Le même, ou ses enfants, qui parfois vote aux municipales tant son intérêt pour son lieu de deuxième vie, et éventuellement de future retraite, est plus important que la politique locale de là où il vit et travaille le plus. 

Le même qui n’est pas le visiteur anonyme et remplaçable, ce sont des Sylvie et Gérard, Mme Untelle et Mr Untel, les habitués depuis 30 ans, presque du coin, connaissant les commerçants. Devenus du coin, assimilés, reconnus, identifiés, appréciés (ou pas selon les caractères de chacun). Ceux dont les enfants et petits-enfants viennent chaque année en plus de leurs amis. Ceux qui ont mariés leurs enfants là-bas, tellement ils sentent bien.
Le même qui est un ambassadeur de la destination, prestigieuse ou non, qui fait venir régulièrement ses amis en week-end ou en vacances. Eux qui font visiter, qui ont créé des réseaux de ventes de produits locaux …
Pourquoi refuser à ces personnes que l’on connaît l’accès à …chez eux ? Et si en plus ils n’étaient pas contaminés et qu’ils allaient permettre aux commerçants restés ouverts, de continuer leur activité ?



Et puis il y a d’autres profils envisageables :

-   - La personne soignée du coronavirus qui vient récupérer en zone protégée. Plus porteuse mais devant se retaper physiquement et psychologiquement,
-   - Des enfants ou des anciens que l’on pourrait soustraire au stress d’une ville confinée et oppressante,
-       

Et si c’était une personne qui revient « du front », soignant(e), caissière, pompier, gendarme, commerçant(e), (…), non contaminée, non porteuse de virus… épuisée par son activité parfois H24 depuis le 17 mars, venue se regonfler avant de repartir sur ce front diffus et invisible ?
Une de ces personnes à qui certains proposent spontanément un hébergement gratuit à proximité de leurs lieux d'interventions.



Et là, …

… alors même que certains nous alignent de grands discours sur « le monde d’après », sur la fin du tourisme de masse, sur le rebond nécessaire de l’activité touristique dès la fin du confinement pour sauver ce qui représente environ selon les estimations 7% du PIB français… sur une crainte de voir l’économie mondiale ne pas repartir et sacrifier des millions d’entreprises… sur la nécessité de « partir » en vacances en France, à proximité pour aider les territoires touristiques français fragilisés par ce confinement…

… alors que l’on voit à petite échelle se maintenir une activité sur l’ensemble du territoire ; alors que le rural devient pour certains un refuge, que les sites touristiques désertés sont contraints de s’organiser à « minima » avec les confinés sur place; alors que des solidarités nouvelles de co-courses se font pour protéger ses voisins et/ou les plus fragiles et limiter les déplacements …

… qu’une version spontanée du slow-tourisme, mais confinée, voit le jour… donc du contemplatif depuis son balcon, terrasse, ou dans un rayon d’un kilomètre… un tourisme figé en quelque sorte.

Mais pas pour tous, puisque certains bougent tout de même :

 « l''épisode "laissera des traces" : "On est un petit village et les gens se souviendront que telle famille n'a pas respecté, que telle famille est venue". »  [3]



Là, on menace en prenant acte de comportements considérés comme irresponsables, parce que nous sommes dans l’incapacité d’identifier si les personnes sont porteuses ou non du virus, plutôt que d’organiser un confinement, de tester et de traiter avec sérénité les mouvements de population qui jusqu’à il y a 3 semaines étaient considérés comme les indicateurs de développement, de réussite et de progrès.
Lorsqu’on évoquait (mais ça c’était « avant ») les vallées reculées, même en Asie, certains imaginaient des cousins du « crétin des Alpes » avec toutes ses nombreuses « qualités »…


La situation est complexe et inédite, il n’est pas question de tancer qui que ce soit, hormis les quelques inconscients (ou abrutis selon les cas) qui ne respectent pas les gestes barrières et certains principes de limitation de certaines de nos activités « d’avant », puisqu’il paraît qu’il y aura « un avant » et « un après » confinement, … même si l’homme occidental a souvent montré qu'il avait la mémoire très sélective si l’on observe un peu l’histoire.

Cependant, une situation comme celle-ci doit nous faire réfléchir sur notre relation aux usages des espaces, publics, collectifs, privés, partagés. Les rapports entre les temps d’usages et les espaces utilisés, leurs fréquences, leurs modalités et les interactions que cela créés, ou pas, entre les personnes sur les territoires. Et au-delà, sur les enjeux que cela permet d'identifier.

Cela nous interroge encore sur le modèle économique développé[4], et dans le cas choisi, plus particulièrement sur le rôle et le poids du propriétaire en zone touristique à travers ses différents temps et types d’usages d’espaces urbanisés et naturels qu’il partage avec d’autres: résidents permanents (mais parfois en vacances ailleurs), visiteurs occasionnels,…[5]

Bon nombre de voix appellent à la « Résilience » pour que le demain soit plus positif et que nous sortions plus fort de l’expérience que nous subissons.

Commençons par essayer de gérer le présent en version bienveillante si l’on veut un «après» plus constructif.



Ce texte sera forcément complété et enrichi comme toutes les chroniques de ce blog.



Bon confinement et restez chez vous 

ou Maison, logis, appartement, niche, van, cabane, igloo…

ou rester chez vous

Mais c’est où chez nous si la Terre est notre maison… qui brûle ?





[1]Coronavirus : tension sur Belle-Ile-en-Mer avec les résidents secondaires Le Télégramme Publié le 17 mars 2020

[3] Des maires de montagne pestent contre l'arrivée des vacanciers malgré le confinement, Par LEXPRESS.fr avec AFP,publié le 07/04/2020 à 19:55

[4] Stations touristiques de montagnes : ce n’est pas une question d’image, mais de modèle économique. 


[5] Pour une nouvelle ère du tourisme en montagne

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