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mardi 27 octobre 2020

« Paris 2024 m’a tué !»

« Paris 2024 m’a tué !» 
Ou comment une partie du secteur sportif français c’est auto-mutilé en oubliant ce qui fonde son origine. 

A la lecture des deux outils de communication qu’une partie du « monde sportif » a décidé de publier cette semaine (« Le sport n'est pas une priorité de la nation » https://www.lemonde.fr/sport/article/2020/10/24/denis-masseglia-president-du-cnosf-le-sport-ne-fait-pas-partie-des-priorites-de-la-nation_6057202_3242.html et SOS sport en détresse (https://cnosf.franceolympique.com/cnosf/actus/8365-sos--sport-en-dtresse.htmlon comprend mieux pourquoi celui-ci n’est perçu par certains décideurs que comme un organisateur de kermesses dispendieuses et dérisoires.


En geignant sur les difficultés d’organiser les rencontres sportives du monde « amateur », la partie visible et institutionnelle du « milieu » sportif (sic…) démontre qu’elle ne porte pas principalement la dimension santé (dans toutes ses acceptions) liée à l’intérêt de pratiquer des activités physiques et sportives tout au long de la vie. 

Les compétitions, aussi formatrices soient-elles, ne sont qu’une partie des formes de pratiques et ne représentent que des temps limités des différentes activités. Les entrainements sont autant des phases de préparation à des confrontations que des temps de maturation, de construction des habilités motrices et stratégiques nécessaires dans certains sports. 
 
« Malgré ces efforts, nos compétitions et manifestations programmées ou reprogrammées sont annulées, souvent à la dernière minute et en raison d’une application excessive et injustifiée des mesures sanitaires par les autorités locales. Nos activités sont à l’arrêt dans de nombreux territoires, y compris des zones vertes non soumises au couvre-feu. Les décisions très disparates des Préfectures et des ARS, à situations similaires, tuent le sport à petit feu. Nous déplorons déjà plus d’un quart d’adhésions en moins, au point que de nombreux clubs se demandent aujourd’hui s’ils pourront passer l’année car plus de 80% d’entre eux, seulement animés par des bénévoles, piliers du sport amateur, restent encore aujourd’hui exclus des dispositifs d’aides prévus au plan de soutien piloté par le Ministère de l’Économie. » 
 Denis Masseglia, président du CNOSF : « Le sport ne fait pas partie des priorités de la nation » Le Monde Propos recueillis par Nicolas Lepeltier et Adrien Pécout Publié le 24 octobre 2020 

En insistant dès le deuxième paragraphe de la lettre ouverte publiée la 26 octobre sur le fait que le sport fédéré « garantit pourtant l’accès à la pratique sportive au plus grand nombre en même temps qu’il permet la détection et l’éclosion de talents issus de tous les milieux. » (https://cnosf.franceolympique.com/cnosf/actus/8365-sos--sport-en-dtresse.html) on se focalise sur l’objectif des Jeux Olympiques alors que nous sommes en pleine crise sanitaire et que l’enjeu pour la très grande majorité des français est d’avoir les moyens de lutter individuellement contre le virus. 

Pour tenter de freiner l’évolution de la pandémie, la pratique d’activités physiques et sportives pourrait être un des éléments thérapeutiques en agissant sur l’organisme mais aussi sur le moral des pratiquants. Mais il faudrait alors sortir des schémas en cours depuis les lustres limitant l’intérêt des pratiques sportives à des spectacles sportifs ou à des garderies actives. 

Si l’on prend quelques éléments saillants de ces derniers mois concernant l’environnement sportif : 

 - La création de l’Agence Nationale du Sport et son cortège de décisions administrativo- kafkaïennes visant à faire disparaitre le ministère des sports et à transférer les moyens alloués vers d’autres … encore non précisés …: 
                    o Rapport AP 22 page 35 juin 2018

          o Décret n° 2020-1280 du 20 octobre 2020 relatif aux conférences régionales du sport et aux conférences des financeurs du sport https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT00004245255 

 - La désignation d’un haut fonctionnaire pour être en charge d’un domaine qu’il ne connaissait pas (https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/06/04/jean-castex-le-joker-gagnant-du-deconfinement_6041693_4500055.html) montrant ainsi que les aspects administratifs sont plus importants que la connaissance du secteur. 
Mais il ne s’agit que de suivre quelques aménagements pour un évènement lointain. 

 - L’augmentation en trompe l’œil du budget destiné aux sports principalement pour préparer Paris 2024 


 - Le retour de théories sur le développement du « sport à l’école » liées à des poncifs de plus de 40 ans et la mise en place « d’expérimentations » dont on connait les résultats depuis plus de 60 ans… sauf pour ceux qui ne s’intéressent pas aux travaux scientifiques et pédagogiques accessibles à l’Inspection Générale de l’Education du Sport et de la Recherche…et toujours l’exemple allemand qui n’existe plus, en Allemagne, depuis plus de 20 ans… 

            o Des propositions d’élus contribuant à l’amalgame sport et éducation physique en ne différenciant les activités supports de leurs finalités propres : https://twitter.com/FCBDeputeduCher/status/1252280159648059400/photo/1 
ou des propositions de loi visant à faire de la France une nation sportive avec des éléments stupéfiants dont l’assouplissement de la loi Evin pour favoriser la santé des pratiquants sûrement… (http://ericadamkiewicz.blogspot.com/2019/07/une-proposition-de-loi-pour-faire-de-la.html

         o Très beau retour vers le futur pendant le confinement avec le « 2S2C », première et deuxième version : 
on a perdu la zumba … marque commerciale déposée… 
Ou comment un apéro-web durant le confinement c’est transformé en tentative de retourner au siècle d’avant !!! 

         o Déployer le label Génération 2024 et dispositif « Cours le matin et EPS et sport l’après-midi » https://www.education.gouv.fr/plus-de-sport-l-ecole-une-grande-priorite-pour-le-sport-306483 
   Paris 2024 comme objectif principal … on est loin d’une pratique liée à la santé pour tous !!!         

    Concernant le modèle allemand qu’une partie de ces promoteurs ne connaissent pas : (https://www.lemonde.fr/europe/article/2010/05/25/rythmes-scolaires-quand-l-allemagne-vante-le-modele-francais_1362660_3214.html


A cela on pourrait ajouter le rattachement du ministère des sports en sursis (survie ?) au ministère de l’Education Nationale, comme si le sport ne concernait principalement que les enfants en formation pré-olympique et non les adultes (???). 

Sans oublier l’utilisation des grands évènements sportifs comme outils de propagande. 
On aurait même vu un garde du corps d’un chef d’Etat tronquer une opération populaire pour en faire un coup de com pour un journal télévisé à 20h… 

Alors, que penser des grandes envolées sur le poids de l’économie du sport en France et de leur importance ? 

 - Le sport, poids lourd de l’économie L’Equipe 24 avril 2020 

- Etude INJEP 2019 

- Etude sur la filière sport BPCE 
« L'économie du sport surfe sur les nouvelles attentes sociétales » manifestement certains n’ont pas lu et donc pas compris un certain nombre d’enjeux… 

Une vision de l’économie du sport surtout centrée sur l’évènementiel portée par Paris 2024 qui cannibalise toutes les autres approches.

         o Olivier Ginon pilotera le comité stratégique de la filière sport 

     o La filière sport française veut se muscler davantage encore 

Finalement Paris 2024 et certaines dimensions économiques ont contribué à gommer les apports des pratiques physiques liées à la santé en survendant l’aspect économique. 

Hors des compétitions fédérales et des aspects économiques de l’évènementiel des sports professionnels ou non, point de salut ! 

Exit l’immense majorité des français pratiquants de manières autonomes dans des espaces naturels, des espaces publics ou dans les équipements publics et/ou privés. 

Si rien ne permet d’affirmer que les lieux de pratiques sportives sont des clusters, les données accessibles manquant de précisions pour justifier les 17% que représenteraient les activités sportives, récréatives et de loisirs (Tableau 4 page 17 du Point épidémiologique COVID-19 Situation au 24 septembre 2020 ; https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-24-septembre-2020 ): 

- Comment justifier que les pratiques restent possibles pour les mineurs et pas pour les pratiquants majeurs ? 

- Pourquoi les établissements de bain qui sont les équipements les plus désinfectés en France et alors même que la législation impose que l’eau soit désinfectante, doivent être fermés ? 

L’absence d’éléments compréhensibles par les professionnels du secteur laisse penser que les décisions ne reposent que sur des approximations.
Sans évoquer la question ubuesque des jauges pour les rencontres sportives ou culturelles limitées à 1000 personnes quelle que soit la taille des enceintes…

Finalement, à la lecture de l'article du monde du 24 octobre 2020, on comprend pourquoi le sport reste perçu comme une pratique fédérale cloisonnée et ancrée dans des certitudes d'un autre temps. Difficile alors d'être crédible actuellement pour argumenter afin de laisser les équipements sportifs ouverts pour que les pratiques puissent se dérouler dans l’intérêt de tous. 

"Avez-vous un recensement du nombre de pratiquants en dehors des clubs ? Par essence, ce n'est pas quantifiable. J'ai toujours émis des réserves sur les 3 millions de pratiquants supplémentaires [promis par le président de la République, Emmanuel Macron, à la fin de son quinquennat]. Vouloir augmenter le nombre de 3 millions de pratiquants quand vous ne le connaissez pas, ça ne veut rien dire. Par contre, vouloir augmenter le nombre de licenciés, c'est raisonnable, logique et quantifiable." 

 Manifestement les données existantes depuis plus de 30 ans ne sont pas parvenues au CNOSF dont les liens avec l’INSEP aurait dû favoriser la perméabilité (https://www.scienceshumaines.com/les-pratiques-sportives-des-francais_fr_12782.html), pas plus que les enquêtes récentes de certains acteurs du monde sportif (https://www.unionsportcycle.com/sports-loisirs/le-sport-et-les-francais). 

Mais le nombre des personnes lisant ces documents doit être équivalente à celles ayant lu les rapports sur les risques de pandémie (… https://laviedesidees.fr/Savoir-et-prevoir.html). 

De même le récent rejet d’un amendement du gouvernement au projet de loi de financement de la sécurité sociale démontre le peu d’intérêt du gouvernement pour ce qui permettrait de lutter contre la sédentarité et favoriser les pratiques physiques et sportives en entreprises. (https://www.leparisien.fr/sports/sports-et-travail-un-amendement-qui-fragilise-la-pratique-en-france-22-10-2020-8404556.php).

La dimension de santé publique par la pratique sportive n'est pas incarnée par le monde fédéral et encore moins par le mouvement olympique et c’est peut-être une partie du drame qui se joue actuellement. 

Et l‘engouement pour les pratiques physiques pendant le confinement n’était qu’un épiphénomène qui n’a pas eu de réels prolongements.

 "Mens sana in corpore sano": c'était avant, ou pour amuser la galerie, mais cela n'a pas été compris … et ça ne l'est manifestement toujours pas pour certains. 

La pratique sportive ne se limite pas à du "loisir", aux matchs de Ligue 1 ou aux Jeux Olympiques. 

Il serait nécessaire pour certains de revoir la définition de la notion de "Recreation" développée depuis plus de 50 ans chez nos voisins anglo-saxons (Récréation, re-création: tourisme et sport dans le Nord-Pas-de-Calais Dewailly Sobry 1997 Edition l’Harmattan). 

Mais il faudrait alors rompre avec les poncifs et lieux communs qui restent encore malheureusement les arguments de certains représentants institutionnels des pratiques sportives.

27 octobre 2020 18h00