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dimanche 29 novembre 2020

La tribune aurait dû s'intituler "Le ski m'a tué".

La tribune aurait dû s'intituler : "Le ski m'a tué".


Par Eric Adamkiewicz publié le 29 novembre 2020 à 16h35


TRIBUNE. Wauquiez, Gaymard, Monteil, Barbier…: "Ne tuez pas la montagne française!"


https://www.lejdd.fr/Economie/tribune-wauquiez-gaymard-monteil-barbier-ne-tuez-pas-la-montagne-francaise-4008662



 

Si la montagne ne se limite pas au ski, « tuer la montagne française » en repoussant l’ouverture de quelques semaines montre à quel point sa mono économie touristique hivernale est finalement très fragile.


Utiliser l’argument de pouvoir aller skier à l’étranger, est assez hors sol puisque la majeure partie de la clientèle internationale de se déplacera pas cette année ; et qu’on ne saurait envisager que de nombreux français, puissent aller en Suisse ou en Autriche… 

Par patriotisme économique, ils viendront en masse dès l’ouverture autorisée… peut-être…

 

Si l’on peut regretter la décision parisienne qui « tombe d’en haut » alors que les professionnels ont travaillé sur des protocoles sanitaires renforcés pour l’accueil des visiteurs depuis plusieurs mois, il faut se rappeler au moins plusieurs choses : 


-       l’argument du remplissage partiel des hébergements (en raison des 50 % de lits froids) n’a pas été utilisé. C’est dommage car avec des remplissages réels avoisinant au maximum 70 % en période habituelle, une communication sur un remplissage à 50% (moins de T.O et moins de visiteurs étrangers pour cet hiver) aurait favorisé la compréhension de ce qui se préparait dans des conditions sanitaires plus favorables,


-       les indicateurs utilisés pour justifier la non-ouverture des RM sont les taux de remplissages des hôpitaux en zones de montagnes (pour ceux qui restent) et ceux à proximité… 

Après 25 ans « d’optimisation de la gestion des hôpitaux » par différentes majorités qui n’ont pas fondamentalement changé de cap, on paye la facture aujourd’hui et le nombre de lits occupés détermine la désorganisation de l’économie.

 

Il n’y a pas eu réellement de concertation et le choc est très rude. 


Mais les villages et stations de montagne vont accueillir des visiteurs et des propriétaires, qu’il y ait de la neige ou non, comme à chaque saison, la montagne reste un espace de vie bien au-delà du ski. 

On a déjà connu des hivers sans neige, et les acteurs de la montagne se sont adaptés.

La montagne ne va pas mourir, par contre un certain nombre d’acteurs du monde économique vont souffrir.

Les montagnards aiment à rappeler qu’ils ont une force de caractère qui leur permet de résister aux épreuves, en voici une autre. Ils vont s’adapter, leur survie en dépend.




https://www.linkedin.com/posts/eric-adamkiewicz-b5a95618_covid-19-et-ouverture-des-stations-de-ski-activity-6737274434249342976-_yrv publié le 25 novembre 2020



https://www.linkedin.com/posts/eric-adamkiewicz-b5a95618_oui-monsieur-le-pr%C3%A9sident-il-faut-ouvrir-activity-6737663125304184832-CGVN publié le 26 novembre 2020


https://www.linkedin.com/posts/eric-adamkiewicz-b5a95618_jean-castex-confirme-la-fermeture-des-remont%C3%A9es-activity-6737770779389239296-2FL4 publié le 27 novembre 2020






Finalement…


Les stations de montagne, une nécessaire transformation du modèle économique.

https://ericadamkiewicz.blogspot.com/2020/09/les-stations-de-montagne-une-necessaire.html

Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme publié le 29 septembre 2020



mais aussi


Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme publié le 17 février 2020


Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme publié le 4 janvier 2020



Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme publié le 4 aout 2017





Compléments


6 décembre 2020


La montagne sans descendre des pistes ? L’épidémie de Covid-19 rappelle la dépendance au « tout-ski »

Le Monde Par  publié le 5 décembre 2020



mardi 27 octobre 2020

« Paris 2024 m’a tué !»

« Paris 2024 m’a tué !» 
Ou comment une partie du secteur sportif français c’est auto-mutilé en oubliant ce qui fonde son origine. 

A la lecture des deux outils de communication qu’une partie du « monde sportif » a décidé de publier cette semaine (« Le sport n'est pas une priorité de la nation » https://www.lemonde.fr/sport/article/2020/10/24/denis-masseglia-president-du-cnosf-le-sport-ne-fait-pas-partie-des-priorites-de-la-nation_6057202_3242.html et SOS sport en détresse (https://cnosf.franceolympique.com/cnosf/actus/8365-sos--sport-en-dtresse.htmlon comprend mieux pourquoi celui-ci n’est perçu par certains décideurs que comme un organisateur de kermesses dispendieuses et dérisoires.


En geignant sur les difficultés d’organiser les rencontres sportives du monde « amateur », la partie visible et institutionnelle du « milieu » sportif (sic…) démontre qu’elle ne porte pas principalement la dimension santé (dans toutes ses acceptions) liée à l’intérêt de pratiquer des activités physiques et sportives tout au long de la vie. 

Les compétitions, aussi formatrices soient-elles, ne sont qu’une partie des formes de pratiques et ne représentent que des temps limités des différentes activités. Les entrainements sont autant des phases de préparation à des confrontations que des temps de maturation, de construction des habilités motrices et stratégiques nécessaires dans certains sports. 
 
« Malgré ces efforts, nos compétitions et manifestations programmées ou reprogrammées sont annulées, souvent à la dernière minute et en raison d’une application excessive et injustifiée des mesures sanitaires par les autorités locales. Nos activités sont à l’arrêt dans de nombreux territoires, y compris des zones vertes non soumises au couvre-feu. Les décisions très disparates des Préfectures et des ARS, à situations similaires, tuent le sport à petit feu. Nous déplorons déjà plus d’un quart d’adhésions en moins, au point que de nombreux clubs se demandent aujourd’hui s’ils pourront passer l’année car plus de 80% d’entre eux, seulement animés par des bénévoles, piliers du sport amateur, restent encore aujourd’hui exclus des dispositifs d’aides prévus au plan de soutien piloté par le Ministère de l’Économie. » 
 Denis Masseglia, président du CNOSF : « Le sport ne fait pas partie des priorités de la nation » Le Monde Propos recueillis par Nicolas Lepeltier et Adrien Pécout Publié le 24 octobre 2020 

En insistant dès le deuxième paragraphe de la lettre ouverte publiée la 26 octobre sur le fait que le sport fédéré « garantit pourtant l’accès à la pratique sportive au plus grand nombre en même temps qu’il permet la détection et l’éclosion de talents issus de tous les milieux. » (https://cnosf.franceolympique.com/cnosf/actus/8365-sos--sport-en-dtresse.html) on se focalise sur l’objectif des Jeux Olympiques alors que nous sommes en pleine crise sanitaire et que l’enjeu pour la très grande majorité des français est d’avoir les moyens de lutter individuellement contre le virus. 

Pour tenter de freiner l’évolution de la pandémie, la pratique d’activités physiques et sportives pourrait être un des éléments thérapeutiques en agissant sur l’organisme mais aussi sur le moral des pratiquants. Mais il faudrait alors sortir des schémas en cours depuis les lustres limitant l’intérêt des pratiques sportives à des spectacles sportifs ou à des garderies actives. 

Si l’on prend quelques éléments saillants de ces derniers mois concernant l’environnement sportif : 

 - La création de l’Agence Nationale du Sport et son cortège de décisions administrativo- kafkaïennes visant à faire disparaitre le ministère des sports et à transférer les moyens alloués vers d’autres … encore non précisés …: 
                    o Rapport AP 22 page 35 juin 2018

          o Décret n° 2020-1280 du 20 octobre 2020 relatif aux conférences régionales du sport et aux conférences des financeurs du sport https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT00004245255 

 - La désignation d’un haut fonctionnaire pour être en charge d’un domaine qu’il ne connaissait pas (https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/06/04/jean-castex-le-joker-gagnant-du-deconfinement_6041693_4500055.html) montrant ainsi que les aspects administratifs sont plus importants que la connaissance du secteur. 
Mais il ne s’agit que de suivre quelques aménagements pour un évènement lointain. 

 - L’augmentation en trompe l’œil du budget destiné aux sports principalement pour préparer Paris 2024 


 - Le retour de théories sur le développement du « sport à l’école » liées à des poncifs de plus de 40 ans et la mise en place « d’expérimentations » dont on connait les résultats depuis plus de 60 ans… sauf pour ceux qui ne s’intéressent pas aux travaux scientifiques et pédagogiques accessibles à l’Inspection Générale de l’Education du Sport et de la Recherche…et toujours l’exemple allemand qui n’existe plus, en Allemagne, depuis plus de 20 ans… 

            o Des propositions d’élus contribuant à l’amalgame sport et éducation physique en ne différenciant les activités supports de leurs finalités propres : https://twitter.com/FCBDeputeduCher/status/1252280159648059400/photo/1 
ou des propositions de loi visant à faire de la France une nation sportive avec des éléments stupéfiants dont l’assouplissement de la loi Evin pour favoriser la santé des pratiquants sûrement… (http://ericadamkiewicz.blogspot.com/2019/07/une-proposition-de-loi-pour-faire-de-la.html

         o Très beau retour vers le futur pendant le confinement avec le « 2S2C », première et deuxième version : 
on a perdu la zumba … marque commerciale déposée… 
Ou comment un apéro-web durant le confinement c’est transformé en tentative de retourner au siècle d’avant !!! 

         o Déployer le label Génération 2024 et dispositif « Cours le matin et EPS et sport l’après-midi » https://www.education.gouv.fr/plus-de-sport-l-ecole-une-grande-priorite-pour-le-sport-306483 
   Paris 2024 comme objectif principal … on est loin d’une pratique liée à la santé pour tous !!!         

    Concernant le modèle allemand qu’une partie de ces promoteurs ne connaissent pas : (https://www.lemonde.fr/europe/article/2010/05/25/rythmes-scolaires-quand-l-allemagne-vante-le-modele-francais_1362660_3214.html


A cela on pourrait ajouter le rattachement du ministère des sports en sursis (survie ?) au ministère de l’Education Nationale, comme si le sport ne concernait principalement que les enfants en formation pré-olympique et non les adultes (???). 

Sans oublier l’utilisation des grands évènements sportifs comme outils de propagande. 
On aurait même vu un garde du corps d’un chef d’Etat tronquer une opération populaire pour en faire un coup de com pour un journal télévisé à 20h… 

Alors, que penser des grandes envolées sur le poids de l’économie du sport en France et de leur importance ? 

 - Le sport, poids lourd de l’économie L’Equipe 24 avril 2020 

- Etude INJEP 2019 

- Etude sur la filière sport BPCE 
« L'économie du sport surfe sur les nouvelles attentes sociétales » manifestement certains n’ont pas lu et donc pas compris un certain nombre d’enjeux… 

Une vision de l’économie du sport surtout centrée sur l’évènementiel portée par Paris 2024 qui cannibalise toutes les autres approches.

         o Olivier Ginon pilotera le comité stratégique de la filière sport 

     o La filière sport française veut se muscler davantage encore 

Finalement Paris 2024 et certaines dimensions économiques ont contribué à gommer les apports des pratiques physiques liées à la santé en survendant l’aspect économique. 

Hors des compétitions fédérales et des aspects économiques de l’évènementiel des sports professionnels ou non, point de salut ! 

Exit l’immense majorité des français pratiquants de manières autonomes dans des espaces naturels, des espaces publics ou dans les équipements publics et/ou privés. 

Si rien ne permet d’affirmer que les lieux de pratiques sportives sont des clusters, les données accessibles manquant de précisions pour justifier les 17% que représenteraient les activités sportives, récréatives et de loisirs (Tableau 4 page 17 du Point épidémiologique COVID-19 Situation au 24 septembre 2020 ; https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-24-septembre-2020 ): 

- Comment justifier que les pratiques restent possibles pour les mineurs et pas pour les pratiquants majeurs ? 

- Pourquoi les établissements de bain qui sont les équipements les plus désinfectés en France et alors même que la législation impose que l’eau soit désinfectante, doivent être fermés ? 

L’absence d’éléments compréhensibles par les professionnels du secteur laisse penser que les décisions ne reposent que sur des approximations.
Sans évoquer la question ubuesque des jauges pour les rencontres sportives ou culturelles limitées à 1000 personnes quelle que soit la taille des enceintes…

Finalement, à la lecture de l'article du monde du 24 octobre 2020, on comprend pourquoi le sport reste perçu comme une pratique fédérale cloisonnée et ancrée dans des certitudes d'un autre temps. Difficile alors d'être crédible actuellement pour argumenter afin de laisser les équipements sportifs ouverts pour que les pratiques puissent se dérouler dans l’intérêt de tous. 

"Avez-vous un recensement du nombre de pratiquants en dehors des clubs ? Par essence, ce n'est pas quantifiable. J'ai toujours émis des réserves sur les 3 millions de pratiquants supplémentaires [promis par le président de la République, Emmanuel Macron, à la fin de son quinquennat]. Vouloir augmenter le nombre de 3 millions de pratiquants quand vous ne le connaissez pas, ça ne veut rien dire. Par contre, vouloir augmenter le nombre de licenciés, c'est raisonnable, logique et quantifiable." 

 Manifestement les données existantes depuis plus de 30 ans ne sont pas parvenues au CNOSF dont les liens avec l’INSEP aurait dû favoriser la perméabilité (https://www.scienceshumaines.com/les-pratiques-sportives-des-francais_fr_12782.html), pas plus que les enquêtes récentes de certains acteurs du monde sportif (https://www.unionsportcycle.com/sports-loisirs/le-sport-et-les-francais). 

Mais le nombre des personnes lisant ces documents doit être équivalente à celles ayant lu les rapports sur les risques de pandémie (… https://laviedesidees.fr/Savoir-et-prevoir.html). 

De même le récent rejet d’un amendement du gouvernement au projet de loi de financement de la sécurité sociale démontre le peu d’intérêt du gouvernement pour ce qui permettrait de lutter contre la sédentarité et favoriser les pratiques physiques et sportives en entreprises. (https://www.leparisien.fr/sports/sports-et-travail-un-amendement-qui-fragilise-la-pratique-en-france-22-10-2020-8404556.php).

La dimension de santé publique par la pratique sportive n'est pas incarnée par le monde fédéral et encore moins par le mouvement olympique et c’est peut-être une partie du drame qui se joue actuellement. 

Et l‘engouement pour les pratiques physiques pendant le confinement n’était qu’un épiphénomène qui n’a pas eu de réels prolongements.

 "Mens sana in corpore sano": c'était avant, ou pour amuser la galerie, mais cela n'a pas été compris … et ça ne l'est manifestement toujours pas pour certains. 

La pratique sportive ne se limite pas à du "loisir", aux matchs de Ligue 1 ou aux Jeux Olympiques. 

Il serait nécessaire pour certains de revoir la définition de la notion de "Recreation" développée depuis plus de 50 ans chez nos voisins anglo-saxons (Récréation, re-création: tourisme et sport dans le Nord-Pas-de-Calais Dewailly Sobry 1997 Edition l’Harmattan). 

Mais il faudrait alors rompre avec les poncifs et lieux communs qui restent encore malheureusement les arguments de certains représentants institutionnels des pratiques sportives.

27 octobre 2020 18h00

mardi 29 septembre 2020

Les stations de montagne, une nécessaire transformation du modèle économique.

Ceci est la version intégrale du texte publié dans Montagne Leaders n° 280 de septembre-octobre 2020 qui était limité en nombre de signes pour rentrer dans le gabarit de l'édition papier.

Le document de Montagne Leaders a été construit par mes soins suite à leur sollicitation et j'ai eu une totale liberté d'écriture. 

Je les en remercie.


Publié le 29 septembre 2020



Le processus de transformation des stations de montagne continue au niveau mondial. Reste que les diagnostics ne sont ni partagés, ni envisagés selon les mêmes perspectives par les acteurs des territoires concernés comme de certains décideurs politiques nationaux, dont on ne sait pas s'ils saisissent l'importance des enjeux. D’aucuns évoquant des transformations nécessaires liées aux évolutions conjoncturelles (crise de la Covid-19, changements climatiques), alors que d’autres s’interrogent plus sur les origines structurelles des changements à réaliser pour accompagner les mutations nécessaires ; situations de crise ou pas[1].

 

Si les conditions de l’offre touristique de montagne se sont transformées ces dernières décennies, c’est principalement en raison de l’arrivée à maturité du marché de la montagne l’hiver, d’une identification et une connaissance plus fine des produits par les différentes clientèles, habituées ou ponctuelles. A cela s’ajoute pour la France la particularité d’avoir une partie de clientèle qui est captive : les propriétaires d’hébergements qui participent directement ou indirectement à l’activité économique (usages, locations, prêts).

 

La structuration du modèle s’est constituée autour d’une offre d’hébergements principalement en appartements ou résidences et de l’excellence des domaines skiables et la formule « stations de ski » est en l’illustration parfaite; puisque les sites se sont centrés sur le développement économique "par et pour le ski" ainsi que de quelques autres formes de loisirs d’extérieurs.

 

Après 50 ans de développement, de manière quasi identique, basé principalement sur la construction d’appartements neufs, on constate une difficile mutation de l’offre arrivée à un stade où elle n’est plus considérée comme spécifique et exceptionnelle. Si le constat de préserver les lits chauds est identifié dans tous les territoires de montagne et sur le littoral, changer les manières de faire et arrêter de construire est encore aujourd’hui inenvisageable pour une majorité d’acteurs.

 

Depuis près de 20 ans les tentatives de rénovation d’hébergements tentent de limiter la création de lits froids[2]. Force est de constater que les échecs des ORILS et de la foncière immobilière de la CDA, prouvent que les modèles proposés ne sont pas efficients[3] et ne restent que des pis-aller tant que l’on ne maîtrisera pas complètement ces lits pour en faire des lits réellement touristiques, contrairement à certains de nos concurrents. Ceux qui avaient imaginé cette possibilité n’ont pas été soutenus à l’origine[4] et les stations se trouvent coincées dans un modèle qu’il est difficile de transformer radicalement. La montée en gamme apparait alors comme une fuite en avant, espérant limiter les effets de la baisse d’attractivité des destinations au profit de clientèles plus internationales et disposant de revenus confortables.

 

Les clientèles de proximité, françaises, qui ont vu leurs taux de départ s’infléchir au fil des décennies, mais qui restent le socle économique de la majorité de stations (via les propriétaires), devraient être retravaillées. Encore faudrait-il que les offres (prestations/prix) correspondent aux attentes de ces visiteurs potentiels dont il faudrait regagner l’intérêt.

 

L’activité principale, reposant sur l’hiver depuis les années 60, a fait prendre des habitudes de fonctionnement et d’investissements qu’il est difficile de transformer. Les cinq mois d’activités hivernales générant des revenus conséquents et les volumes de clients restant la cible, l’organisation de l’offre a beaucoup de mal à être repositionnée et à s’adapter aux évolutions des attentes de visiteurs plus exigeants mais aussi plus divers. 

 

 

Les benchmarks se succèdent depuis des années, on se compare avec l’Autriche, la Suisse, l’Italie, l’Amérique du nord pour faire le constat que l’environnement culturel pèse sur les manières de proposer des produits aux visiteurs, mais nous ne modifions pas (ou très peu) nos offres. L’excuse du poids des charges ou des contraintes administratives, ne peuvent expliquer à elles seules le décalage de résultat des différentes nations du tourisme hivernal.

 

Avec moitié moins de lits touristiques que nous[5]et [6], l’Autriche réalise plus de journées skieurs en saisons hivernales[7], alors même que nous avons des tarifs de forfaits moins chers qu’eux dans la majorité des stations françaises. Les seuls excursionnistes ne peuvent expliquer ce résultat. Cependant leurs taux de remplissage, tout au long de la saison, sont bien meilleurs et beaucoup plus réguliers. Des balades automnales, proposées depuis longtemps en passant par les offres estivales et hivernales, ce sont des modèles économiques différents que proposent nos concurrents. Il sera d’ailleurs particulièrement intéressant de suivre, après cette année chaotique comment Ischgl va réajuster (ou pas) ses offres et ses axes de communications, suite à leur expérience malheureuse cet hiver[8].

 

Toutes les zones de montagne vont subir les effets des changements climatiques dans les prochaines années. Si l’offre ski a encore de belles années[9], celle-ci s’est banalisée pour les clients réguliers au fil des ans. Et même si l’excellence des domaines skiables est reconnue, l’enjeu repose désormais sur l’offre globale et pas seulement sur l’offre « ski ».

 

Il conviendrait donc de repenser celle-ci au-delà de l’ajout de centres aqua-ludiques pour compléter les prestations existantes l’hiver, de luges 4 saisons ou des pistes VTT pour l’été. Même si les équipements proposés sont de qualité, ils s'intègrent dans un ensemble de prestations où le service client doit être optimisé. Et dans de nombreux cas, il reste des marges de manœuvres importantes.

 

Les destinations montagnes sont des lieux d’exceptions pour les pratiques récréatives et sportives d’intensités variées, elles gardent toujours leur potentiel d’espaces naturels permettant de bénéficier d’environnements particulièrement sains et propices à la contemplation et au bien-être. En cela, elles disposent d'un très riche potentiel et d'une extrême diversité. La qualité de vie dans de nombreux territoires de montagne reste un atout majeur, qui ne saurait se suffire à lui-même, si les aménagements réalisés pour l’activité touristique viennent grignoter son capital d’environnement préservé.

 

Mais pour devenir de véritables stations touristiques de montagne attractives et accueillant des visiteurs dans des conditions de séjours acceptables sans trop de nuisances tout au long de l’année, il faudrait réétudier certaines formes d’organisations. Si le terme "4 saisons" est trop marqué, en différenciant des périodes aux densités de fréquentations très fortes (ce qui est faux même pour certaines semaines hivernales) et celles qui le sont moins ; la recherche d'offres proposées sur l'ensemble de l'année, permettrait de transformer l'économie des territoires.

 

Si certains travaux importants sont réalisés en période estivale (notamment la construction d’hébergements), les nuisances qu’ils occasionnent n’incitent pas le client à revenir ou à recommander la destination. Les modifications de remontées mécaniques impliquent souvent des travaux lourds, ceux-ci restent ponctuels et pas systématiquement proches des centres de vie, mais peuvent générer quelques désagréments sur les domaines de balades. Malgré tout, certaines destinations sont identifiées comme leaders dans les travaux au cœur de station chaque année… Cela ne fait que renforcer une stratégie basée sur l’hiver et le «sacrifice» régulier de l’été.

 

Mais il est des « nuisances » plus récurrentes et historiques : les bouchons liés aux accès stations en saison hivernale. Même en dédoublant les voies (ex accès tarentaise avant 1991 sur une seule voie) il y a toujours des difficultés. L’organisation principale du samedi au samedi pénalise l’ensemble des acteurs. Les propositions d’arrivées en décalées existent mais offrent un nombre de lits limités. Liée aux habitudes et à l’excuse des calendriers scolaires (français et étrangers) cette contrainte s’est maintenue. Sauf pour certains hébergeurs (hôteliers ou Club Med, et désormais certains services de conciergeries… ) qui ont adapté leurs offres aux conditions d’accès en proposant des séjours du dimanche au dimanche ou avec des arrivées possibles dès le jeudi comme en Isère[10] afin que leurs clients ne subissent pas les vicissitudes des arrivées chaotiques.

 

En fait, c’est l’adaptation des stations aux évolutions des demandes des clients et à l'attention portée à leur confort y compris lors de leurs voyages pour venir, repartir et revenir dont il est question. Certains comme Pierre & Vacances ont commencé timidement dès 2007, à proposer des courts séjours pour s’adapter aux évolutions. De même, on peut s’interroger, alors que tout le monde réclame le retour des classes de neige pour faire renouer les jeunes avec la montagne l’hiver ; pourquoi une offre mixant ski et éducation n’est pas proposée plus souvent (Orcières, Chamrousse, Queyras…)[11]. Si les possibilités d’hébergements en collectifs ont diminué (principalement parce que l’on a autorisé les ventes à la découpe et relativement peu soutenu ce type d’hébergements), proposons les services qui permettent, hors vacances scolaires, d’avoir aussi des enfants qui viennent avec leurs parents ou grands-parents. Rester sur la représentation d’un modèle idéalisé, qui a contribué au développement il y a 50 ans n’est plus d’actualité et ne reviendra pas.

 

Puisqu’aucune station ne fait jamais réellement 100% de remplissage en raison des lits froids, ni en février zone Paris-Toulouse, ni lors de la semaine de nouvel an, cela signifie qu’au plus fort de la saison il y a toujours des lits disponibles et donc une perte d’attractivité. 

 

Il serait temps de repenser les offres sur l’ensemble de la saison en fonction de l’évolution des exigences des visiteurs et d’envisager des stratégies de reconquête sans fantasmer sur des volumes de clientèles asiatiques qui n’existent pas ou sur des clientèles internationales dont on ne sait si elles auront la possibilité de revenir. 

 

Le grand frisson lié à l'annonce de l'arrêt des Eurostar pour l'hiver prochain (évoqué lors des Assises de la relance en montagne en juillet 2020 à Méribel), qui correspond un outil d'une stratégie de communication britannique pour peser sur les négociations du Brexit, en est un bon exemple. Il n'est pas incongru de penser que la bataille porte peut-être simplement sur le déplacement éventuel du siège d'Eurostar hors de Grande Bretagne en raison du Brexit, maintenant que l'état britannique s'est désengagé de la compagnie et de la fréquence des liaisons avec Bruxelles. Mais la fusion avec Thalys qui reste d'actualité[12] pourrait aussi être aussi une des raisons de cette communication. 

 

Les vallées bénéficiant de ces trains ont réagi avec force en pensant aux clients qu'ils risquaient de perdre. Il serait étonnant, alors que la SNCF possède toujours 55% des parts de la compagnie Eurostar, que l'état français laisse faire alors que le bras armé de la Caisse des Dépôts et Consignations, la Compagnie des Alpes, gère "quelques" stations pour le compte des communes dans le cadre des Délégations de Service Public (DSP). Si l'Etat laisse faire ce sera la preuve que ses décideurs ne comprennent pas les enjeux ou n'en ont que faire vu de Paris. Et on peut raisonnablement être inquiet lorsqu'on regarde comment ils ont, par exemple, sacrifiés les lignes ferroviaires en zone de montagne, mais également tout le réseau hospitalier et les services aux publics dans certains territoires.

 

Reste que si ces trains étaient supprimés, une partie de la clientèle viendrait s'ajouter aux nombreux visiteurs accédant aux stations par voie routière.

 

Indépendamment de cette situation ponctuelle, on constate qu'une partie de l’offre ne correspond plus à quelques clientèles de moyennes gammes surtout au regard du rapport qualité/prix de certains services proposés.

 

 

Si la crise de la covid a une fois de plus chamboulé les prévisions d’une saison hivernale qui s’annonçait excellente, il serait nécessaire de revoir le modèle économique des territoires de montagne qui ont des potentialités tellement importantes… que les certitudes sur des axes de développement n’ont jamais réellement fait évoluer.

 

Et désormais, il est l’heure de passer à autre moment de l’histoire[13] surtout si l'on souhaite réellement tenter d'agir sur les conditions du maintien de l'activité économique des territoires dans l'intérêt de tous.

 

 

« Le tout ski c’est fini, mais sans le ski tout est fini » déclare depuis des années Laurent Reynaud, mais pour moi, « Avec ou sans ski, la montagne est un territoire jamais fini »…

 

… il faut juste éviter de persévérer dans certaines orientations obsolètes ; penser aux aspirations des visiteurs mais aussi aux besoins des habitants à long terme.

 

 

 


Eric Adamkiewicz

Maitre de conférences en management du sport et développement territorial.


Ancien Directeur Général des Services de l'Office de Tourisme Les Arcs-Bourg St Maurice

Ancien Chef du Service Tourisme et Economie Montagnarde au Conseil Général de la Drôme

 

 Profil complet Eric Adamkiewicz

 

 

 

 



[1] Philippe Bourdeau et Coll (2007), Les sports d’hiver en mutation. Crise ou révolution géoculturelle ? Edition Lavoisier - Collection Finance-gestion-management. Juin 2007 - 230 pages.

 

[2] Julien Noël (2002), Bilan et perspectives de l’immobilier de loisirs dans les stations touristiques, analyse d’impact de la loi Demessine -Défiscalisation des résidences de tourisme dans les Zones de Revitalisation Rurale sur la région Midi-Pyrénées et le massif Pyrénéen- SEATM, Mémoire de DESS « Sport, Tourisme et Développement Régional », Toulouse, novembre 2002.

 

[3] Caisse des dépôts : Foncière Rénovation Montagne, la déception.

La Tribune, les Acteurs de l'Economie Par Didier Bert  publié le  26/06/2017.

http://acteursdeleconomie.latribune.fr/strategie/finance-droit/finance/2017-06-26/caisse-des-depots-fonciere-renovation-montagne-la-deception-741344.html

[4] La création de la station des Arcs ou le management d’une utopie, par Roger Godino, séminaire Vie des Affaires, Les Amis de l’Ecole de Paris, 3 Juin 1994 

https://www.ecole.org/fr/seance/7-la-creation-de-la-station-des-arcs-ou-le-management-d-une-utopie

 

[7] 2019 International Report on Snow & Mountain Tourism par Laurent Vanat 

https://www.vanat.ch/RM-world-report-2019.pdf

 

[8] Coronavirus/ la station autrichienne d'Ischgl sacrifie la fête pour sauver la prochaine saison Le Figaro publié le 21 août 2020

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/coronavirus-la-station-autrichienne-d-ischgl-sacrifie-la-fete-pour-sauver-la-prochaine-saison-20200821

 

[9] Hugues François, Emmanuelle Georges, Samuel Morin, (2019) Verra-t-on la fin du ski dès 2050 ? The Conversation publié le 27 mars 2019

 

[10] http://www.skiez-en-decale.com

 

 

 

 


Pour ceux qui souhaitent poursuivre…



Dossier Tourisme


ou




Tourisme, année zéro.
Dossier Le Monde Diplomatiquejuillet 2020


Lorsque le diagnostic du réel reste ignoré, la réponse demeure inadaptée !
Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme publié le 8 juillet 2020


Le Monde publié le 26 juin 2020  
par 
Malgorzata Ogonowska maîtresse de conférences en économie du tourisme à l’université Paris-VIII; 
Philippe Naccache professeur associé en stratégie et développement durable à l’Inseec ; 
Julien Pillot enseignant chercheur en économie à l’Inseec et chercheur associé CNRS; 
Eric Adamkiewicz maître de conférences en développement territorial à l’université Toulouse-III. 


(le marché intérieur n'existe pas pour une "pseudo-élite" qui déraisonne…)
Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme publié le 8 mai 2020

Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme 
publié le 23 ème jour du temps du dedans, soit le 8 avril 2020. 12h40


Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme publié le 17 février 2020

Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme publié le 4 janvier 2020

Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Août 2019

Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Juillet 2018, 

Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Août 2017, 

Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme 6 octobre 2017, 

Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Juin 2017, 

Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Août 2016, 


"Le miracle viendra par la grâce des enneigeurs" ou "Cachons nos erreurs sous la neige" ! 
Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Mai 2016, 


L'orchestre joue avec entrain pendant que le bateau coule ! Au moins on a l'ambiance ! 
Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Janvier 2016, 



Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Décembre 2014



Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Décembre 2014 

 
Blog Aménagement, Récréation, Sport et Tourisme Novembre 2014, 


Téléram Luc Le Chatelier

 

Publié le 06/08/10 






Rapport qui compile toutes les demandes des professionnels et acteurs de la montagne en 2005. Un document très intéressant pour comprendre la vision de ceux qui font la montagne, qui aménagent et qui essayent de développer une économie touristique avec ses contradictions. 

A lire pour observer si on a beaucoup évolué dans les actes et la réflexion depuis 2005…


Attractivité des stations de sports d'hiver
Reconquête des clientèles et compétitivité internationale. 
Rapport au Premier Ministre Dominique de VILLEPIN. Vincent ROLLAND, Député de Savoie, décembre 2006. 





Publié le 3 octobre 2018