Entre déni démocratique, coûts pharaoniques et bricolages permanents il est temps d’être raisonnables.
Il est particulièrement intéressant de découvrir à la lecture de l’avis du député Frédéric Maillot lors de la préparation du projet de Loi de finances 2026 dans le cadre de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale, que le cabinet de la Ministre des Sports Marie Barsacq a refusé de communiquer aux parlementaires les conclusions d’une « mission d’appui à la consolidation budgétaire des JOP 2030 » demandée par Michel Barnier en décembre 2024 (page 37).
Alors qu’en septembre 2025, les députés devaient être amenés à voter sur la loi olympique permettant de préparer les JOP de 2030, on leur a refusé la communication d’éléments budgétaires permettant de comprendre les enjeux financiers liés à l’organisation de ces jeux Olympiques et Paralympiques et ainsi avoir la connaissance des conséquences de leurs votes…
Quelles justifications pouvaient être invoquées pour refuser aux élus d’avoir accès à un document produit par l’Inspection Générale des Finances et par l’Inspection Générale de l’Education, du Sport et de la Recherche ?
Alors même que les députés devaient, dans le cadre du Projet de Loi de Finances, engager des fonds pour permettre la planification de l’organisation de ces JOP entre 2026 et 2030.
A part un « Secret Défense de regarder de trop près»… on ne comprend pas vraiment.
Mais il est vrai que le cabinet de la ministre a dû être étonné puisqu’en juin les sénateurs ont voté majoritairement cette loi olympique, avec quelques modifications, sans avoir les éléments budgétaires à dispositions… Même si :
« Le flou économique de ces JOP 2030 préoccupe donc dans l’hémicycle. Le Sénat a supprimé l’article 5 du projet de loi, qui prévoyait que les régions hôtes apportent une garantie financière en cas de solde déficitaire du Comité d’organisation des JOP. La chambre Haute a jugé l’article « prématuré » en raison de « prévisions de déficit inabouties ». Selon Jean-Michel Arnaud, sénateur Union centriste, « les Jeux olympiques d’hiver ont plus de risques d’être déficitaires que les Jeux olympiques d’été ». »
On ne peut que s’étonner que les membres de la Chambre Haute aient d’ailleurs validé une loi sans que les différents documents budgétaires existants n’aient pu être consultés:
è 4 rapports de l’Inspection Générale des Finances et de l’Inspection Générale de l’Éducation, des Sports et de la Recherche évoqués par La Lettre (3 rapports entre juillet 2023 et décembre 2024, avant la demande supplémentaire de Michel Barnier )
è Un étude d’impact réalisée par le Cabinet UTOPIES à la demande du CNOSF (Juin 2024).
Il est par ailleurs assez surprenant, qu’à la suite de la décision de Michel Barnier, Premier Ministre, de donner la garantie de l’État le 02 octobre 2024 pour organiser ces JOP en 2030, celui qui avait porté Albertville 92 en ayant annoncé : « Les Jeux payeront les Jeux », puisse demander une « mission d’appui à la consolidation budgétaire des JOP 2030 » en décembre !!!
Je valide puis je demande des précisions…
Reste qu’il est assez curieux qu’un Premier Ministre, membre du CIO, valide une garantie pour le compte de l’Etat… dont va profiter une association helvétique dont il est membre … !!!
Mais concernant les aspects budgétaires avec des « prévisions de déficit inabouties ». il est également vrai qu’en juin 2025, son successeur à Matignon, François Bayrou annonçait fièrement à Briançon:
« Je signe le chèque mais je ne mets pas encore le montant »
Le Dauphiné Libéré 27 juin 2O25
Pourquoi s’en faire… puisqu’on pouvait trouver des économies en supprimant par exemple le « Pass Sport » pour les 6-13 ans dans la partie Sport du PLF 2026.
Déjà, lors de la candidature surprise en 2023, les aspects budgétaires étaient surprenants :
« Le budget est estimé, pour l'instant, à 1,5 milliard d'euros. S'il ne veut pas s'engager sur d'éventuels dépassements – « c'est trop tôt » –, Wauquiez assure que « l'objectif sera d'être au plus proche de l'équilibre, car il y aura des recettes en face » ».
Le Point 20 décembre 2023
Étonnamment La Lettre fait état dès 2024 (dans un document non rendu public…) d’un déficit supporté par les finances publiques entre 800 et 900 millions d’euros…
Puis les dérapages évoqués dans les rapports de l’IGF, se concrétisent avec les réajustements budgétaires de septembre 2025 :
JO 2030 : un budget réévalué à 2,1 milliards d’euros, légèrement supérieur au plafond imposé par l’Etat
Le Monde 20 octobre 2025
Sans compter le budget de la Solidéo qui passe d’1 milliard à 1,3 milliard et que l’on oublie régulièrement d’évoquer. Et pour cause, le coût des Jeux est déjà estimé à 3,4 milliards…
Mais tout n’est pas encore terminé puisque le calendrier serré imposé par le CIO à des élus trop pressésfait dérailler certaines parties des projets d’infrastructures. Il est ainsi non surprenant de lire :
« D’un point de vue financier, les motifs d’inquiétude sont nombreux et
tiennent, d’une part, au caractère discutable de certains choix et, d’autre part, aux incertitudes sur le coût des JOP pour la puissance publique.
a. Le caractère discutable de certains choix
Plusieurs choix opérés en vue de l’organisation des JOP 2030 posent problème et sont susceptibles d’induire d’importants surcoûts.
La première interrogation porte sur l’organisation de ces Jeux dès 2030.
Initialement, la région Paca soutenait une candidature pour les JOP de 2034 ou de
2038 avant de se rallier à une candidature dès 2030 présentée conjointement avec
la région Aura. L’organisation de ces épreuves dès 2030 laisse cependant peu de temps
pour s’y préparer. Les délais d’exécution des travaux seront très contraints ce qui
pèsera sur leur coût. Vite fait, bien fait, pas cher, cela n’existe pas.»
« La seconde interrogation concerne le choix de certains sites qui a manifestement davantage obéi à des préoccupations politiques qu’à un souci de bonne gestion des deniers publics. L’organisation des épreuves de sport de glace à Nice soulève ainsi de nombreuses objections (1). Deux équipements cristallisent les critiques : la construction d’une patinoire olympique pérenne et
l’aménagement temporaire d’une double enceinte de hockey sur glace au sein du stade de football de l’Allianz Riviera à Nice. Le coût prévisionnel de ces deux équipements est supérieur à 215 millions d’euros TTC (217,2 millions d’euros) et se décompose ainsi :
– 138 millions d’euros TTC pour la conception-réalisation de la patinoire (2) ;
– 79,2 millions d’euros TTC pour la transformation temporaire de l’Allianz Riviera en une double enceinte provisoire de hockey sur glace (3).
Le choix de ces deux sites ne peut que susciter l’étonnement.
La nouvelle patinoire olympique pérenne remplacerait l’actuelle patinoire de Nice, aujourd’hui vétuste (4), alors même que deux autres patinoires olympiques existantes auraient pu être utilisées : celle du palais omnisports de Marseille Grand-Est (inaugurée en 2009) et celle de Pralognan-la-Vanoise (qui a accueilli les Jeux en 1992). Dans les deux cas, et en dépit du coût de l’hébergement des athlètes sur un nouveau site, il aurait été moins onéreux d’adapter ces équipements que de financer la construction d’une patinoire olympique neuve à Nice. À ce titre, il est plus que regrettable que la Solideo n’ait pas été invitée à étudier ces solutions alternatives.
Le choix d’organiser les épreuves de hockey sur glace au sein du stade de football de l’Allianz Riviera de Nice suscite des réserves encore plus importantes au vu de l’ampleur des travaux à exécuter (il faudra par exemple couvrir le stade d’un toit provisoire), de la nécessité d’indemniser le concessionnaire du stade (qui sera privé de l’exploitation du site pendant quatre mois) et de l’obligation de faire jouer le club résident (l’OGC Nice) hors de son enceinte habituelle pendant plus d’un trimestre. On ignore par ailleurs si le coût projeté inclut le remplacement probable de la pelouse du stade à l’issue des Jeux.
Le choix effectué étonne d’autant plus au vu des alternatives existantes. La LDLC Arena, située près de Lyon, et l’Accor Arena de Paris accueilleront ainsi en 2028 les championnats du monde masculins de hockey sur glace. Dans ce contexte, pourquoi transformer, pour un montant élevé, un stade de football dénué de toit en une double enceinte provisoire de hockey sur glace alors que deux palais omnisports couverts existent et ont été sélectionnés pour accueillir une épreuve internationale de hockey-sur-glace deux ans avant les JOP ? Là encore, il est plus que regrettable que la Solideo n’ait pas été invitée à étudier des solutions alternatives alors même que le récent rapport précité de l’IGÉSR et de l’IGF a confirmé leur intérêt. »
Le projet de patinoires de Nice est révélateur des dérives de l’urgence de traitement de ce dossier.
Annoncé pour 20 millions d’euros et ne devant « rien couter aux niçois », nous voilà, pour le moment à une estimation de 130 millions pour la nouvelle patinoire… Bien au-delà de l’estimation de 53 millions du CIO dans son rapport de la commission futur hôte de 2024…
Et la presse commence à se faire l’écho de cette situation anachronique en pleine discussion budgétaire 2026
« Plus de 200 M€ cela n'a aucun sens, c'est une folie budgétaire » : le choix de Nice pour les JO 2030 vivement pointé du doigt
L’Equipe par Rachel Pretti publié le 4 novembre 2025
"C'est idiot" : à Nice, le coût faramineux de la patinoire olympique divise
TF1 Info par Thibault JEANNIN publié le 10 novembre 2025
Le Dauphiné Libéré par Robin Charbonnier publié le 11 novembre 2025
Le Figaro Nice par Lucas Hélin publié le 13 novembre 2025
Tous ces différents éléments, mais également les choix immobiliers hasardeux et dispendieux aux coûts non encore complètement estimés autour du site de Briançon avec la transformation du « Fort des Têtes », site classé au Patrimoine de l’UNESCO, mais aussi dans les Aravis ou des projets « ascenseurs » non finalisés en Tarentaise aux conséquences budgétaires post JOP très aléatoires, font de ce projet de Jeux Olympiques un dossier à rebondissements … qui pourrait nous rappeler le bilan des Jeux d'Albertville 1992, avec ses augmentations d'impôts locaux post JO durant 18 ans.
Et puis il y a la saisine du Comité Aarhus… une première historique.
Avec une étape importante le 18 novembre 2025.
JO d’hiver 2030 : un organe de contrôle onusien va étudier d’éventuels manquements à la « démocratie environnementale »
Le Monde par Maryline Baumard publié le 22 octobre 2025
Pour ces « quelques » raisons, mais également pour les atermoiements concernant la désignation des sites paralympiques, la non prise en compte des coûts liés à la mobilisation des services de l’État dans la phase de préparation comme au moment des Jeux et bien d'autres…, la raison voudrait que les organisateurs mais également l’État demande au CIO de reporter ces Jeux Olympiques à 2034 ou 2038. Comme cela était envisagé dans la candidature initiale.
Le CIO devrait pouvoir comprendre (d’autant que c’est un nouvel exécutif qui n’est pas responsable des décisions antérieures) que la difficulté dans laquelle il a laissé se placer la candidature française ne sera pas bonne pour son image alors même que les JOP de Milan-Cortina risquent de proposer un bilan assez délicat à assumer.
Dans un contexte budgétaire que tous les français subissent tous les jours, avec des effets d’annonces d’économies difficiles à faire accepter, proposer une augmentation des coûts de Jeux Olympiques et Paralympiques qui foncent vers un déficit abyssal est irresponsable.
En se donnant au moins 4 ans de travaux et de réflexions supplémentaires on sortirait par le haut pour préparer efficacement la transition des territoires de montagne avec un projet réellement plus sobre et plus respectueux tel qu’annoncé en 2023 mais irréaliste aux vues des contraintes actuelles.
Pour bien réussir des Jeux, une bonne préparation mentale ne suffit pas, il faut aussi de bonnes conditions générales de préparations. Plutôt que se jeter dans les épreuves et finir en vrac, autant prendre le temps de se préparer correctement.
C’est pour cela que les athlètes programment leurs préparations en fonction des épreuves en lien avec leur état de performance.
Salt Lake City peut aisément accueillir les JOP 2034.
Au CIO d’être en phase avec son temps en s’adaptant à la situation, et aux français de reconnaitre qu’à trop vouloir bénéficier de l’aubaine olympique, les risques encourus sont trop grands s’ils veulent faire des jeux qui marqueront l’histoire olympique comme l’ont été ceux de Paris.
Repousser les Jeux à 2034 est aujourd’hui une nécessité. Et cela ne nous coûtera rien. Mais cela donnera de la sérénité et de l'efficacité.
Cela demande d’avoir la lucidité de montrer que l’intérêt général est porté par des choix réalistes et raisonnables.
Lorsqu’on demande des efforts aux français en cherchant des économies partout, dans le système de santé, dans l’éducation, …, comment justifier le maintien à tout prix d’un évènement que l’on peut encore décaler ?
Ce n’est pas une question de fierté mal placée, mais un principe de réalité… et de courage.
Publié le 13 novembre 2025
Liens de documents annexes
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https://ericadamkiewicz.blogspot.com/2024/01/jop-hiver-2030-2034-2038-la-pire.html